Haïti/Dette de l’indépendance : le Cercle Grégory Saint-Hilaire dénonce deux siècles d’injustice historique
Getting your Trinity Audio player ready...
|
À l’occasion du bicentenaire de l’ordonnance du 17 avril 1825, le Cercle Grégory Saint-Hilaire (CGSH) a publié une déclaration dénonçant ce qu’il qualifie de « dette injuste » imposée par la France à Haïti. Pour cette structure, cette dette continue de peser lourdement sur le développement économique, social et environnemental du pays, deux cents ans après les faits.

Port-au-Prince, le 17 Avril 2025. Le 17 avril 1825 marque une date charnière dans l’histoire d’Haïti : la France reconnaît officiellement l’indépendance du pays, mais au prix fort. Une ordonnance signée par le roi Charles X impose à la jeune nation haïtienne le paiement de 150 millions de francs or, destinés à indemniser les anciens colons français pour la perte de leurs plantations et de leurs esclaves. Une somme exorbitante, que l’État haïtien n’a pu honorer qu’en s’endettant lourdement auprès de banques françaises et anglaises.
À cette rançon s’ajoutait une réduction de 50 % des droits de douane sur les produits français, une clause que le CGSH assimile à une forme d’extorsion diplomatique. Cette lecture critique est aujourd’hui partagée par de nombreux historiens.
« Cette dette colossale a engendré des effets désastreux sur tous les plans », déplore le Cercle. Il souligne que pour rembourser cette somme, l’État haïtien a été contraint d’imposer de lourdes taxes sur les terres, les productions agricoles et les échanges commerciaux. Cela a considérablement appauvri la paysannerie, tout en privant le pays des ressources nécessaires au développement de services publics essentiels comme l’éducation et la santé.
L’impact environnemental a été tout aussi dévastateur. Pour générer des recettes, les autorités ont favorisé l’exploitation intensive des ressources naturelles, notamment le bois précieux, sans politique de reboisement. Résultat : une déforestation massive, au point que moins de 2 % de la couverture forestière naturelle subsiste aujourd’hui. Les conséquences sont alarmantes : érosion des sols, inondations fréquentes, baisse de la fertilité des terres et une agriculture en crise.
« En 2025, alors qu’Haïti traverse une crise politique, économique et sécuritaire aiguë, cette page sombre de notre histoire résonne encore », souligne la note du CGSH. Plus de 60 % de la population vivent sous le seuil de pauvreté, près de 40 % souffrent d’insécurité alimentaire, et le système éducatif est en péril : moins de 15 % des enfants atteignent le niveau secondaire, et plus de 70 % des établissements scolaires sont privés.
Face à cette situation, le CGSH, appuyé par des intellectuels, des historiens et des organisations citoyennes, lance un appel fort à la mémoire et à la justice. Il réclame :
La reconnaissance internationale de l’ordonnance de 1825 comme un acte d’extorsion ;
Des réparations historiques, morales et financières ;
L’intégration de cet épisode dans les programmes éducatifs nationaux.
« Il est temps de faire la lumière sur notre vérité historique. L’ordonnance de 1825 n’était pas un acte de justice, mais une violence diplomatique et économique », affirme le Cercle. Deux siècles plus tard, il estime que le peuple haïtien mérite la vérité, la justice… et des réparations.
Jean Gilles Désinord
Vant Béf Info (VBI)