Haïti, 15 ans après le séisme de 2010: entre mémoire et responsabilité collective
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Par Wandy CHARLES
Le 12 janvier 2010 restera gravé a jamais dans la mémoire collective des Haïtiens. L’un des jours les plus sombres de l’histoire nationale. À 16h53, la terre a tremblé, un bruit effrayant est sorti de son ventre : Goudou Goudou. Ce qui a entrainé : désolation et douleur. Avec une magnitude de 7.3, le séisme a causé la mort de plus de 220 000 personnes, déplacé 1,5 million de citoyens et détruit 60 % des infrastructures gouvernementales, selon les données de l’ONU. Quinze ans plus tard, ce drame continue d’interroger : qu’avons-nous appris ? Où en sommes-nous ?
Une mémoire collective à honorer
Chaque année, le 12 janvier est un rappel poignant de l’ampleur du drame. Des familles endeuillées, des survivants traumatisés, et des lieux marqués par la catastrophe, témoignent de la violence de ce désastre. On ne doit pas oublier, non seulement pour rendre hommage aux victimes, mais aussi pour réfléchir à la fragilité de notre environnement et à notre capacité collective à y répondre.
Cependant, la mémoire ne suffit pas. Ce devoir de souvenir doit s’accompagner d’une prise de responsabilité. Quinze (15) ans après, la reconstruction du pays reste un chantier inachevé. L’aire du Champ-de-Mars, épicentre symbolique de la mobilisation internationale post-séisme, illustre cette stagnation : peu de projets promis ont été réalisés, et les quartiers environnants demeurent dans un état précaire.
Une aide internationale au bilan mitigé
En 2010, Haïti a reçu un afflux massif d’aide internationale. Environ 13,5 milliards de dollars ont été promis, mais seulement 48 % de cette somme a réellement été utilisée pour des projets de reconstruction, selon le Centre de recherches économiques et politiques (CEPR). Une grande partie de ces fonds a été absorbée par des ONG étrangères, parfois sans consultation ni coordination avec les autorités locales.
Ce modèle d’intervention a souvent ignoré les priorités nationales, créant une dépendance plutôt qu’une capacité autonome de gestion. En conséquence, des milliers de personnes vivent encore dans des conditions précaires, et plusieurs projets d’infrastructures, tels que des hôpitaux et des écoles, n’ont jamais vu le jour.
Mais il serait injuste de ne pointer que l’aide internationale. Haïti doit aussi faire face à ses propres manquements. La corruption, l’instabilité politique et l’absence de planification à long terme , continuent de compromettre les efforts de reconstruction. Les milliards de dollars reçus n’ont pas toujours été gérés de manière transparente, et les populations les plus vulnérables n’ont pas bénéficié des investissements nécessaires.
Aujourd’hui, plus de 60 % de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté (Banque mondiale). Près de 300 000 déplacés post-séisme n’ont jamais été relogés de façon durable. Pire encore, les gangs armés contrôlent 80 % de Port-au-Prince, paralysant toute initiative de développement.
Apprendre du passé, agir pour l’avenir
La commémoration de ce 15e anniversaire ne doit pas être une simple cérémonie. Elle doit devenir une plateforme de mobilisation pour repenser l’avenir. Les priorités sont claires : renforcer les institutions pour gérer efficacement les ressources et coordonner les projets de développement ; lutter contre la corruption pour garantir que chaque dollar investi serve réellement à améliorer les conditions de vie des citoyens et intégrer la résilience environnementale dans tous les plans de reconstruction, car Haïti reste l’un des pays les plus exposés aux catastrophes naturelles.
Le séisme de 2010 est une tragédie qui appartient à tous : aux Haïtiens, à la diaspora, et aux partenaires internationaux. Si nous avons échoué à tirer toutes les leçons de ce drame, il est temps de changer de cap, de stratégies et non cette gestion à court terme et des promesses vides. « Nous n’oublions pas ! » est certes, un message fort mais il doit être accompagné de la volonté d’agir. En ce 15e anniversaire, transformons la mémoire en moteur de changement.
Vant Bef Info (VBI)