FAD’H : des soldats affectés à la sécurité d’anciens dirigeants, loin des zones de conflit

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Alors que le pays fait face à une insécurité grandissante alimentée par les gangs armés, une partie des Forces Armées d’Haïti (FAD’H) est détournée de sa mission constitutionnelle. Au lieu d’intervenir dans les zones de non-droit, plusieurs soldats sont affectés à la protection rapprochée d’anciens ministres et ex-directeurs généraux, aujourd’hui sans fonctions officielles.

Port-au-Prince, 7 juin 2025 — Cette situation suscite de vives critiques. Malgré les appels récurrents de la société civile pour une implication plus active de l’armée dans la lutte contre la criminalité, des contingents restent mobilisés pour des missions de sécurité privée. Une pratique jugée opaque, et perçue comme une instrumentalisation politique de l’institution militaire.
Depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021, les dispositifs de sécurité autour des figures politiques — en poste ou non — se sont considérablement renforcés, notamment par l’implication visible des FAD’H. Une dérive dénoncée par de nombreux observateurs comme un détournement de mission.
« Il est inacceptable que dans un contexte de crise sécuritaire aiguë, des soldats soient affectés à la garde d’individus qui n’exercent plus aucune charge publique », déplore Marie-Claude Jean-Baptiste, coordinatrice du Réseau Citoyen pour la Sécurité et le Bien-Être Social. « La population attend une armée engagée dans les zones rouges, pas une milice au service d’intérêts privés. »
Le flou juridique entourant ces affectations entretient la confusion entre armée nationale et service de sécurité personnel. Pour Maître Jean-Benoît Dérisier, juriste et spécialiste en droit constitutionnel, cette pratique n’a aucune base légale claire.
« Les FAD’H ont pour mission la défense du territoire et l’appui en cas de catastrophes, pas la protection de particuliers. Une telle affectation constitue un abus d’autorité. »
Dans un contexte où la population haïtienne vit sous la menace permanente des gangs, chaque soldat compte. Leur mobilisation sur le terrain, notamment dans les quartiers sous tension, pourrait renforcer les efforts de sécurisation. Or, cette présence militaire se fait toujours attendre dans les zones critiques, alors que l’armée peine à justifier sa pertinence sur le plan opérationnel.
Relancée dans l’espoir de restaurer la souveraineté nationale, l’armée haïtienne peine à remplir ses promesses. Son usage pour des fonctions privées mine non seulement sa crédibilité, mais aussi l’espoir de voir un jour l’institution redevenir un véritable pilier de la sécurité publique.
Judelor Louis Charles
Vant Bèf Info (VBI)