Face à l’insécurité, la population haïtienne s’organise
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Dépassées par la montée de la violence, les communautés haïtiennes prennent en main leur propre sécurité. Brigades citoyennes, barricades et justice populaire via le mouvement “Bwa Kale” se multiplient à travers le pays. Une riposte qui divise : si elle rassure certains, elle inquiète d’autres quant aux dérives possibles.
Quand l’État faillit, la population agit
Turgeau, le 4 février 2025 – Depuis plusieurs années, l’insécurité s’aggrave en Haïti, avec des gangs contrôlant de vastes zones urbaines. En 2023, le Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) a recensé plus de 3 960 homicides, un chiffre record. Face à cette flambée de violence, des citoyens s’organisent pour protéger leurs quartiers.
« Nous ne pouvons plus attendre la police », confie Paul Leronce, membre d’un comité de vigilance à Canapé-Vert.
Nous patrouillons la nuit, contrôlons les entrées et surveillons les inconnus. C’est notre seule option. »
Barricades et contrôle des accès
Dans plusieurs quartiers, les habitants dressent des barrages filtrants pour limiter les incursions criminelles. À Carrefour-Feuilles, après une attaque meurtrière en septembre 2023, des postes de garde de fortune ont été installés.
« Nous avons mis en place un système de surveillance 24 heures sur 24. », explique un policier résidant à Brézy.
« Chaque soir, des volontaires montent la garde. C’est une question de survie. »
Si ces barrières freinent les intrusions, elles isolent aussi certains secteurs, rendant l’accès difficile aux services de base.
Bwa Kale : justice populaire ou dérive incontrôlée ?
Né en avril 2023 à Canapé-Vert, le mouvement “Bwa Kale” a marqué un tournant. Cette forme de justice expéditive cible les individus soupçonnés d’appartenir à des gangs. Selon une étude de Crisis Group, plus de 450 personnes ont été lynchées en six mois.
« Nous ne faisons que nous défendre. », justifie Jean-Marc, commerçant à Port-au-Prince.
« Si la police ne fait rien, nous devons agir. »
Mais cette montée de la violence inquiète les observateurs. Les Nations Unies alertent sur des risques de bavures et d’exécutions arbitraires.
Autodéfense : une solution temporaire ?
Si ces initiatives citoyennes freinent momentanément l’insécurité, elles ne remplacent pas un État de droit. Pour le sociologue Jean Gaspard Dutrévil, cette réaction populaire traduit avant tout le vide laissé par l’État.
« Sans encadrement, ces groupes risquent de devenir incontrôlables », explique-t-il.
« Avec le temps, tuer et lyncher pourraient devenir des actes banals, motivés par des raisons personnelles. »
Alors que la riposte populaire se généralise, jusqu’où ira cette spirale de violence ? L’autodéfense peut-elle réellement endiguer l’insécurité, ou risque-t-elle de plonger le pays dans une nouvelle forme de chaos ?
Belly-Dave Bélizaire
Vant Bèf Info (VBI)