Et si nos quartiers étaient véritablement à la hauteur de leurs noms ?
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Par Wandy CHARLES
Les noms de certains quartiers de Port-au-Prince résonnent comme des promesses inachevées, des illusions brisées par la dure réalité. Ils évoquent la beauté, la sérénité, l’harmonie… pourtant, derrière ces appellations empreintes d’espoir, se cachent le chaos, la misère et l’insécurité.
Bel-Air, autrefois havre de paix et foyer d’artistes, d’intellectuels et d’universitaires, n’est aujourd’hui qu’un champ de désolation, un territoire livré à l’anarchie, où la loi du plus fort a remplacé l’éclat de la pensée et de la culture.
Cité Soleil, avec son nom lumineux, aurait pu être le symbole d’une prospérité rayonnante. Pourtant, c’est le plus grand bidonville du pays, où près d’un million d’âmes survivent dans une précarité extrême, condamnées à la violence et à l’insécurité permanente. Un soleil de plomb écrase chaque jour ce lieu, mais aucune lumière ne perce l’épaisse obscurité de la détresse humaine qui y règne.
Bon-Repos, qui devrait être synonyme de quiétude, ne connaît plus le repos. Ses habitants, loin de goûter à la tranquillité que suggère son nom, vivent au rythme des crépitements de balles. Les nuits y sont hantées par les échos des fusillades, transformant ce lieu en un théâtre de guerre où la peur, la violence et l’angoisse dictent leurs lois.
Que dire de Belle-Vue et Belle-Ville ? Jadis promesses de panoramas enchanteurs et de vie agréable, ces quartiers ne sont aujourd’hui que des enclaves convoitées par des groupes armés. Leur beauté n’est plus qu’un souvenir, effacée par la terreur et les attaques parfois meurtrières obligeant les occupants à construire de grands murs de barrage et des barrières imposantes.
À Vi a Bel, dans la zone de Kenscoff, le nom sonne comme un mirage. Depuis plusieurs jours, les habitants ne connaissent que l’horreur, pris au piège d’une incursion violente orchestrée par la coalition criminelle Viv Ansanm. Ce qui devait être une vie belle est devenue un cauchemar sans fin pour ce quartier et plusieurs autres de cette commune.
Peut-on encore croire que Village-de-Dieu est sous la protection divine ? Ce quartier, autrefois peu connu, est aujourd’hui un bastion du gang 5 Segond, un véritable repaire où s’organisent en toute impunité trafics illicites et activités criminelles. À croire que même « Dieu » a déserté son village.
Nos quartiers ont de beaux noms, certainement hérités d’un passé où l’espoir, la solidarité et la vision d’un avenir meilleur guidaient encore ce peuple hospitalier. Mais l’avènement de politiciens véreux, d’une élite corrompue et la complaisance d’une communauté nationale indifférente ont réduit ces lieux à des antithèses de leurs appellations.
Et si ces quartiers devenaient enfin ce que leurs noms suggèrent ? Si Bel-Air redevenait un havre de culture, si Cité Soleil brillait réellement par son dynamisme et son développement, si Bon-Repos offrait enfin la sérénité promise, et si Village-de-Dieu redevenait un sanctuaire de paix ? Ce rêve ne peut se réaliser qu’au prix d’un sursaut collectif, d’un engagement sans faille pour rétablir la sécurité et restaurer l’autorité de l’État.
Vant Bef Info (VBI)