Entre accusations, silence et blocage, le CPT perd la confiance de la population

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Créé pour restaurer l’autorité de l’État et conduire une transition politique apaisée, le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) traverse une zone de turbulence. Accusations de favoritisme, manque de transparence, conflits internes et absence de résultats concrets ternissent son image. La confiance du public s’érode, laissant place au désenchantement.

Port-au-Prince, 8 juin 2025 — À son installation, le CPT avait suscité l’espoir : celui d’un compromis historique entre forces politiques, sociales et économiques. Mais en quelques semaines à peine, des dissensions internes sont apparues au grand jour, provoquant reports et annulations de plusieurs séances du Conseil des ministres. L’ambition d’une gouvernance collégiale, inclusive et efficace semble aujourd’hui compromise.
Des pratiques opaques dans le viseur de l’ULCC
Des sources proches du pouvoir évoquent des tentatives de certains membres pour imposer des décisions sans concertation préalable. Ces pratiques, jugées contraires aux principes de transparence, alimentent une méfiance croissante.
Des nominations et reconductions dans l’administration publique, opérées sans justification officielle, ont également suscité de vives critiques. Selon plusieurs médias, l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) a ouvert des enquêtes administratives. Des soupçons de favoritisme, d’abus d’influence et d’utilisation inappropriée des fonds publics ont été signalés. Trois membres du CPT auraient été formellement épinglés dans au moins un rapport transmis à la justice.
À cela s’ajoutent des accusations concernant le déblocage de lignes de crédit et de financements pour des projets non délibérés, et l’échange présumé de postes contre des soutiens internes dans le cadre du système de présidence tournante.
Une légitimité affaiblie, une société civile en alerte
Bien qu’aucune poursuite judiciaire n’ait encore été engagée, la légitimité morale du CPT est fragilisée. Des organisations citoyennes s’interrogent sur l’usage des fonds publics, notamment ceux affectés au renseignement, alors même que l’insécurité continue de s’étendre. La reconduction controversée de certains responsables au sein de l’appareil étatique renforce les doutes.
Face au scandale entourant la Banque Nationale de Crédit (BNC), plusieurs voix ont réclamé la suspension provisoire des membres impliqués. Le silence officiel du CPT dans ces affaires est jugé inquiétant, voire méprisant, par une partie de l’opinion publique.
Une rupture entre le pouvoir et les citoyens
Dans les quartiers populaires comme parmi les jeunes diplômés, le Conseil présidentiel est de plus en plus perçu comme une continuité du système défaillant qu’il était censé remplacer. La frustration s’amplifie. Des critiques dénoncent des dépenses jugées déconnectées des urgences nationales — à l’image des millions de gourdes alloués à la fête du drapeau organisée au Cap-Haïtien, alors que l’Arcahaie, berceau historique de l’événement, a été écartée.
Aujourd’hui, l’écart est grand entre la vision portée par l’accord du 3 avril 2024 et la réalité du terrain. L’insécurité s’aggrave, des régions échappent au contrôle de l’État, et la parole officielle se fait rare, même dans les moments critiques.
Le Conseil Présidentiel de Transition, miné par les luttes d’influence, les accusations non élucidées et son manque de réactivité, semble avoir perdu le lien de confiance avec la population haïtienne. Les appels à une réforme de ses méthodes de gouvernance se multiplient. Mais pour nombre de citoyens, la rupture est déjà consommée.
Belly-Dave Bélizaire
Vant Bèf Info (VBI)