Noël tristesse
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Par Wandy CHARLES
Il y a exactement 25 ans, le talentueux artiste haïtien Michaël Benjamin, connu sous le nom de Mikaben, interprétait pour la première fois « Nwèl Tristès ». C’était en 1999, lors du concours de chant organisé par la chaîne Télémax. Ce morceau, débordant de mélancolie et de douleur, révélait avec une poignante sincérité les sentiments de solitude et de détresse que peuvent susciter les fêtes de Noël, surtout dans un contexte de séparation ou de deuil.
À travers des paroles empreintes de sensibilité, Mikaben évoquait l’absence des proches, les défis sociaux et la réalité douloureuse de nombreuses familles haïtiennes, condamnées à célébrer cette période festive sous le poids de privations et d’injustices. Ce morceau était un miroir de l’état d’une société fragile, mais aussi une ode à la résilience et à l’espoir.
Un quart de siècle plus tard, la triste prophétie de cette chanson résonne avec une acuité bouleversante. Si Mikaben était encore parmi nous, il constaterait que les mots de 1999 étaient presque un euphémisme face à la réalité cruelle d’aujourd’hui.
En 2024, Haïti est plongée dans une crise sans précédent. Une insécurité omniprésente et une inflation galopante étouffent le pays. La crise socio-politique persistante a fait de cette période de l’année un écho funeste de tristesse et de peur. Des gangs armés terrorisent la population : des vies innocentes sont fauchées, des maisons de citoyens paisibles sont pillées puis incendiées. Les kidnappings, les assassinats et les disparitions rythment le quotidien, laissant dans leur sillage un peuple meurtri.
La capitale, Port-au-Prince, est aujourd’hui coupée du reste du pays. La circulation entre les régions est devenue un risque fatal, obligeant les familles à renoncer à l’espoir de se retrouver. Les ondes radiophoniques, habituellement animées par les airs joyeux de Noël, sont silencieuses. Les maisons ne sont pas décorées, et l’esprit de fête a cédé la place à une morosité collective. La diaspora, un pilier de soutien à la nation, est contrainte de rester à l’écart, car l’insécurité empêche même les avions d’atterrir sur le tarmac de l’aéroport.
Un homme de 92 ans, croisé au coin d’une rue, partageait son ressenti avec des mots lourds de chagrin. Il avait espéré retrouver dans son quartier un semblant de l’effervescence festive qui, jadis, illuminait ses souvenirs. « C’est la Noël la plus triste à laquelle j’ai assisté depuis ma naissance », a-t-il déclaré, le regard perdu dans une réflexion douloureuse.
Vant Bèf Info (VBI)