Editorial
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L’échec des élites : le prix de la débâcle haïtienne
Par Wandy CHARLES
La situation catastrophique dans laquelle Haïti se trouve aujourd’hui est le fruit amer d’un échec systémique particulièrement celui de ses élites. Alors que le pays s’enfonce dans le chaos et l’incertitude, une analyse sérieuse de la crise révèle une réalité accablante : ceux qui devraient être les moteurs du progrès sont en grande partie responsables de l’implosion de la société.
Dans un premier temps, l’élite économique haïtienne a essuyé un échec cuisant dans son rôle de pilier du développement. Pas trop encline à investir dans des projets créateurs de richesses pour tous, elle s’est retranchée dans une logique de rente. Ses membres se contentent de capitaliser sur des gains immédiats, négligeant que la richesse nationale doit être partagée et oubliant que la croissance économique durable repose sur la création d’opportunités pour les plus vulnérables. Ce manque d’engagement et de vision à long terme condamne la majorité des Haïtiens à la pauvreté, alors qu’une poignée continue de prospérer et de s’octroyer des privilèges.
D’autre part, l’élite politique, gangrénée par la corruption et l’inefficacité, semble avoir tourné le dos à ses responsabilités. Non seulement elle n’a pas réussi à gouverner de manière responsable, mais elle a aussi sapé les fondements de la démocratie en alimentant un système de clientélisme et de népotisme. Les institutions sont paralysées, et chaque crise politique plonge un peu plus la nation dans une spirale infernale. Le peuple, quant à lui, assiste impuissant à cette descente aux enfers.
L’élite intellectuelle, elle, joue un rôle tout aussi décevant. En retrait, elle observe la déchéance de la société haïtienne avec un détachement inquiétant. Ceux qui devraient être la conscience critique de la nation, capables de proposer des solutions innovantes et de guider le pays vers un avenir meilleur, semblent avoir abdiqué. Ce silence assourdissant laisse place à un vide moral et intellectuel, où aucune entité n’a la volonté ou la capacité de proposer des alternatives viables à la crise actuelle.
En conséquence, la grande majorité de la population patauge dans une misère abjecte, abandonnée par ceux qui auraient dû être ses défenseurs et ses protecteurs. Cette misère, loin d’être uniquement matérielle, est aussi morale et spirituelle. Elle découle du sentiment d’abandon, de l’absence d’espoir, et de la certitude que personne ne viendra à son secours.
Pour sortir Haïti de cette impasse, il est urgent que les élites – économiques, politiques, intellectuelles – prennent conscience de leur responsabilité historique. Elles doivent comprendre que leur survie à long terme est intimement liée à celle du pays tout entier. Il est encore temps pour elles de se réformer, de se réengager auprès du peuple haïtien, et de jouer leur rôle dans la reconstruction d’une société plus juste, équitable et solidaire.