Dieu, le Diable et le « Blanc » pour certains haïtiens
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« Ce n’est pas ma faute, je n’ai pas fait exprès. » Cette phrase, symbole de l’irresponsabilité chez de nombreux Haïtiens, illustre la croyance qui les emprisonne. Coincés dans une vision animiste du monde où leur réalité existe indépendamment d’eux par trois entités : « Dieu, le diable et le blanc », ils se perdent dans un Triangle des Bermudes qu’ils ont créé. Cela les exempte de toute responsabilité relative à leur réalité, mais ne les préserve pas des conséquences souvent préjudiciables.
Dieu pour certains Haïtiens
Pour beaucoup d’Haïtiens, la réalité haïtienne est une conception divine. Pour eux, le citoyen n’a aucune part de responsabilité : les choses arrivent « si Dieu le veut ». Inch Allah! Si Bondye vle! Puisque Dieu a créé cette réalité, il la changera en temps voulu. La plus grande action que l’homme peut faire est de prier pour le remercier ou implorer sa miséricorde.
Beaucoup d’Haïtiens semblent dépourvus de libre arbitre dans leurs relations avec leur pays. « Dieu est bon. Dieu est grand. Dieu est juste. Dieu nous aime. Dieu n’abandonne jamais ses enfants. » Ces phrases, souvent utilisées pour louer la bonté de Dieu, le placent en substitut de l’homme.
D’un autre côté, ceux qui ne partagent pas cette vision se moquent de Dieu. « Pourquoi un Dieu qui aime tant ses enfants les laisserait-il souffrir autant ? » Qu’ils soient pour ou contre, dans les deux extrêmes, Dieu est responsable de notre réalité. Les non-croyants justifient leur position en argumentant sur l’irresponsabilité de Dieu dans nos malheurs.
Le diable pour certains Haïtiens
Pour beaucoup d’Haïtiens, le diable est le principal responsable de leur malheur. Ils ne sont que les victimes de la dictature sanguinaire de celui-ci dans leur réalité. Cette force ténébreuse qui engloutit le pays est perçue comme l’œuvre du diable. Dire cette vérité fera de vous un avocat du diable, mais il faut être réaliste.
Là encore, beaucoup d’Haïtiens sont dépourvus de libre arbitre. Ils ne sont point responsables de leurs actes, ou plutôt, leurs actes n’ont aucune relation avec une réalité où ils seraient des acteurs.
Le blanc pour certains Haïtiens
Par effet postcolonial, le blanc est une sorte de demi-dieu pour beaucoup d’Haïtiens. Il sait tout, comprend tout et peut presque tout faire. « Se blan k pou ta blan! » S’il avait voulu faire du pays un paradis, il l’aurait fait. Mais, comme il ne le veut pas, il ne l’a pas fait. Il choisit d’en faire un enfer.
Encore une fois, beaucoup d’Haïtiens sont dépourvus de libre arbitre. Pour eux, le « blanc » est l’unique responsable de leur état. Ils ne comprennent pas qu’une réalité est une interaction entre plusieurs éléments évoluant selon des principes ou des lois transcendant les individus. La relation entre esclave et maître peut changer radicalement lorsque l’un ou l’autre décide de changer les règles.
Beaucoup d’Haïtiens pensent que l’Américain, le Russe, le Chinois, etc., viendra faire ce qu’ils devraient faire eux-mêmes en tant que citoyens. Ils pensent que dans leur grande humanité, ces gens ne visent pas avant tout leur intérêt. Ils accusent l’un et invitent l’autre sans penser à définir les règles du jeu.
Au final, beaucoup d’Haïtiens sont emprisonnés dans leur Triangle des Bermudes qu’ils ont eux-mêmes conçu. S’ils ne sont pas là pour accuser Dieu, le diable ou le blanc de leur état, ils seront là pour les défendre. Mais eux, ils n’ont aucune responsabilité et ne font que payer les conséquences des actions d’autrui.
Deslande Aristilde
Vant Bèf Info (VBI)