Décès de Frankétienne : Haïti perd une légende de la littérature et de l’art
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Frankétienne, figure emblématique de la littérature haïtienne, s’est éteint ce jeudi à l’âge de 89 ans, en sa résidence à Delmas. De son vrai nom Jean-Pierre Basilic Dantor Franck Étienne d’Argent, il laisse derrière lui un héritage monumental en tant qu’écrivain, poète, dramaturge, peintre et penseur.
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Delmas le 20 février 2025: Né le 12 avril 1936 à Ravine Sèche, dans le département de l’Artibonite, Frankétienne est considéré comme le père du spiralisme, un mouvement littéraire qu’il a cofondé avec Jean-Claude Fignolé et René Philoctète.
Ce courant, qu’il décrivait comme une « esthétique du chaos », reflète les soubresauts de la réalité haïtienne et les multiples dimensions de l’existence humaine.
Un écrivain engagé et visionnaire
Diplômé de l’Institut des Hautes Études Internationales, Frankétienne a choisi de rester en Haïti malgré la dictature des Duvalier, alors que nombre de ses contemporains prenaient le chemin de l’exil.
Dès 1964, il publie ses premiers poèmes et se forge une place unique dans le paysage littéraire haïtien. Son œuvre, foisonnante et novatrice, se distingue par une écriture riche, marquée par une fusion de la prose, de la poésie et du théâtre.
Parmi ses ouvrages les plus marquants figurent Dézafi (1975), le premier roman écrit en créole haïtien, ainsi que Ultravocal et Héros chimères. Ses textes dénoncent les injustices sociales, la misère et les tourments d’Haïti.
Un artiste aux multiples facettes
Au-delà de la littérature, Frankétienne était aussi un peintre de renom. Il a commencé sa carrière artistique en s’inspirant de figures comme Jackson Pollock et Pierre Soulages, avant de développer son propre style, à mi-chemin entre l’abstraction et le figuratif. Ses toiles, tout comme ses textes, traduisent une énergie tourbillonnante et une quête de sens perpétuelle.
En reconnaissance de son engagement pour la culture et la paix, il a été nommé Artiste pour la paix de l’UNESCO en 2010 et Commandeur des Arts et des Lettres la même année. Il a également reçu de nombreuses distinctions, dont le Prix Carbet de la Caraïbe (2002) et le Prix Pablo Neruda (2004).
Un vide immense pour Haïti et le monde
Le décès de Frankétienne marque la disparition d’un géant de la culture haïtienne, un homme dont la parole et les couleurs ont transcendé les frontières. Son œuvre, inclassable et visionnaire, continue d’influencer des générations d’écrivains, d’artistes et de penseurs, en Haïti et au-delà.
Sa voix s’est tue, mais son écho résonnera encore longtemps dans l’histoire de la littérature et des arts.
Judelor Louis Charles
VAN BÈF INFO (VBI)