Comment les familles haïtiennes s’adaptent à la flambée des prix ? Astuces et stratégies du quotidien

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Dans un contexte de crise économique aggravée par l’insécurité et les postes de péages imposés par des groupes armés, les familles haïtiennes particulièrement dans le Grand Sud redoublent d’ingéniosité pour survivre. Preuves de résiliences reposées sur les stratégies dynamiques suivant la situation. Une analyse de l’évolution du panier alimentaire.

Une crise à plusieurs visages

La région du Grand Sud, notamment le département de la Grand’Anse, fait face à une envolée des prix sans précédent. Les produits de première nécessité y sont vendus à des tarifs exorbitants, conséquence directe de l’insécurité sur les routes nationales et des taxes imposées par les gangs. Selon plusieurs chauffeurs, le coût de transport d’un camion peut varier entre 150 000 et 300 000 gourdes pour atteindre la région, un fardeau répercuté sur les prix à la vente.

« Les dépôts alimentaires n’ont d’autre choix que d’augmenter leurs tarifs de 30 à 40 %, parfois plus », témoigne un commerçant de Jérémie. Cette hausse affecte toute la chaîne, des agriculteurs aux consommateurs finaux.

Vendre pour survivre

À Dame-Marie, une marchande de poisson confie à notre rédaction  que la flambée des prix des produits de première nécessité a des impacts significatifs sur les prix des produits locaux. : « Je suis obligée d’augmenter les prix de mes fruits de mer afin de faire face à la flambée des produits de première nécessité sur le marché. » affirme-t-elle.

Même logique à la campagne, Jean Renel, un agriculteur des Cayes, explique que malgré des récoltes abondantes, les produits restent invendus faute de pouvoir les acheminer à la capitale de Port-au-Prince en raison de l’insécurité: « Nous devons ajuster nos prix pour survivre, même localement. L’insécurité bloque tout. » a-t-il déclaré.

Réduction drastique de la consommation

À Port-au-Prince, c’est la consommation même qui est revue à la baisse. Marise Saint Jean, personnel de santé à Delmas, décrit la situation :
« On est obligé de réduire notre consommation. Le revenu familial ne couvre plus les besoins comme il y a six ans. C’est un véritable calvaire. » déplore-t-elle.

Il est important de souligner que selon un bulletin publié en 2024 par l’Institut Haïtien des Statistiques et d’Informatique (IHSI), les produits alimentaires enregistrent des hausses vertigineuses : riz (+50,4 %), poisson frais (+59,1 %), citron (+81,1 %), charbon de bois (+29,6 %). L’Indice des prix à la consommation (IPC) a grimpé à 404,9 en mai 2024, soit une inflation annuelle de 28,3 %.

Astuces de survie : entraide et créativité

Face à cette situation, certaines familles développent des mécanismes de survie dans le Grand Sud tels que: les jardins communautaires et potagers urbains : cultiver ensemble pour nourrir plusieurs foyers;  la solidarité familiale étendue, avec les membres de la diaspora qui envoient des transferts ciblés en nature plutôt qu’en argent.

Une urgence sociale

La flambée des prix, catalysée par l’insécurité et les blocages logistiques, met à mal la résilience économique du pays. Le Grand Sud, déjà fragilisé par les catastrophes naturelles et le sous-développement, est aujourd’hui en première ligne de cette crise multidimensionnelle.

Tandis que les familles inventent des moyens de survivre au quotidien, une réponse plus structurelle s’impose pour briser le cercle d’inflation, l’inaccessibilité et l’insécurité. Sans quoi, ce sont des pans entiers de la société haïtienne qui resteront pris au piège d’une économie de survie.

Judelor Louis Charles

Vant Bèf Info (VBI)

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