Carnaval en temps de crise : Résistance culturelle ou indifférence ?

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Fort-Liberté, 18 février 2025 – Malgré un climat de crise humanitaire et sécuritaire, le Carnaval national de 2025 se tiendra du 2 au 4 mars à Fort-Liberté, sous le thème « Haïti Debout ! Ayiti Kanpe ! ». Organisé par un comité de 12 membres, l’événement bénéficie d’un budget de 300 millions de gourdes, dont 170 millions alloués spécifiquement aux festivités dans la ville hôte.

Credit Photo: Le Médiateur

Un acte de résilience culturelle

Depuis le XIXᵉ siècle, le carnaval haïtien est bien plus qu’un simple divertissement. Il représente un espace d’expression populaire, où musique, danse et déguisements véhiculent des messages politiques et sociaux.

Pour certains, maintenir cette tradition en période de crise est une manière de résister.

« Le carnaval, c’est notre façon de dire au monde qu’Haïti est toujours debout », affirme André Simon, percussionniste. « Même en pleine tourmente, on danse, on chante, on existe. »

D’autres y voient une parenthèse nécessaire, un moment pour échapper au poids du quotidien.

« Pendant trois jours, on respire. Ça ne résout pas nos problèmes, mais ça nous donne de la force pour continuer », confie Johanna Mervil, étudiante à l’UNITECH.

Une dépense contestée en temps de crise

Mais l’organisation du carnaval suscite aussi une vive controverse. Plusieurs organisations du secteur privé, dont l’Association des Industries d’Haïti (ADIH) et la Chambre de Commerce et d’Industrie Haïtiano-Canadienne (CCIHC), dénoncent l’incohérence d’un tel investissement face aux urgences nationales.

« Allouer des fonds publics à des festivités alors que le pays traverse une crise existentielle est irresponsable », déclarent ces institutions, plaidant pour une meilleure priorisation des ressources.

Credit photo: MPM

Un exutoire ou un aveuglement collectif ?

Le sociologue Daniel Supplice, interrogé par Télé Métropole, apporte une lecture plus nuancée. Selon lui, le carnaval est aussi une forme de contestation sociale.

« Historiquement, c’est un moment où le peuple exprime ses frustrations à travers des chants satiriques et critiques. Les méringues carnavalesques dénoncent la corruption, l’insécurité et les injustices, sans craindre la répression », analyse-t-il.

Entre résistance et insouciance, le carnaval divise. Faut-il préserver cette tradition coûte que coûte ou reconnaître qu’elle détourne l’attention des vrais problèmes ?

Une chose est sûre : qu’il ait lieu ou non, le carnaval demeure un miroir fidèle des réalités haïtiennes.

Belly-Dave Bélizaire
Vant Bèf Info (VBI)

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