Budget de guerre : de l’argent, oui, mais il faut aussi de bonnes stratégies et de la volonté

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Par Wandy CHARLES
Le Conseil des ministres vient d’adopter un budget rectificatif qualifié de « budget de guerre », injectant quelque 323 milliards de gourdes dans les rouages d’un État pris au piège d’une violence multiforme et d’un chaos devenu presque incontrôlable. C’est, de l’avis de plus d’un, un signal fort : l’heure est à la reconquête de l’ordre, au rétablissement de l’autorité publique, au sauvetage de la nation. Et pour cela, il fallait – enfin – affecter des ressources substantielles aux instances chargées de la sécurité.

Qu’il s’agisse de la Police nationale d’Haïti (PNH), des Forces armées d’Haïti (FAd’H) ou des agences de renseignement, toutes ces entités peinent depuis des années à remplir leur mission dans un environnement où elles sont souvent dépassées, sous-équipées, démotivées, voire infiltrées. Allouer près de 37 % de ce budget à leur renforcement est donc une décision salutaire. Mais cette allocation budgétaire, aussi massive soit-elle, ne portera ses fruits que si elle est accompagnée de conditions strictes : une gestion rigoureuse, des mécanismes de reddition de comptes, et surtout une stratégie claire.
Car si l’argent est le nerf de la guerre, il n’est pas la guerre elle-même. Celle-ci exige des plans d’action concertés, une chaîne de commandement efficiente, une coopération réelle entre les institutions et une volonté politique sans faille de reprendre le contrôle des « territoires perdus ». Elle suppose aussi une lutte acharnée contre la corruption, cette gangrène qui dilapide les ressources et démoralise les agents publics. Les bandits ne se contentent plus de zones marginales : ils imposent leur loi, l’État et menacent son existence même. Parvenir à les éradiquer demande plus qu’une augmentation budgétaire : cela requiert une mobilisation nationale.
Il serait tragique que ce budget se dissipe dans les mêmes travers qui ont miné tant de tentatives de redressement. Il ne suffit pas d’acheter des véhicules blindés, de distribuer des primes ou de multiplier les annonces. Il faut bâtir une force cohérente, capable de défendre le droit, de restaurer la paix et de protéger les citoyens. Il faut réinventer la stratégie sécuritaire, repenser la gouvernance et recentrer l’État sur ses missions régaliennes.
Ce « budget de guerre » n’est pas une fin, mais un point de départ. Un test aussi. Celui de savoir si, cette fois, les moyens financiers seront véritablement mis au service d’un objectif clair : briser le règne des gangs armés et rendre à la population haïtienne ce qu’elle réclame depuis trop longtemps : la sécurité, la dignité et l’espoir.
Vant Bèf Info (VBI)