Editorial

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L’idéal dessalinien : la souveraineté et la justice sociale trahies durant des décennies

Par Wandy CHARLES

Ce 17 octobre 2024 marque le 218e anniversaire de l’assassinat de Jean-Jacques Dessalines, le père fondateur de notre nation. Le général a été tué seulement deux ans après avoir brisé le joug esclavagiste et renverser l’ordre mondial occidental établi. Une question s’impose : deux cents vingt ans après qu’avons-nous fait de l’héritage de « Jean-Jacques Le Grand », de son idéal ?

L’idéal dessalinien et la vision de Jean-Jacques Dessalines pour Haïti constituent une pierre angulaire de l’histoire nationale et un modèle de lutte pour la liberté et la souveraineté. Esclaves des champs devenu empereur, Dessalines, figure emblématique de l’indépendance haïtienne, est non seulement le héros de la libération des noirs, mais aussi un visionnaire dont l’engagement pour la justice et l’autodétermination reste gravé dans la mémoire collective. Pourtant, son héritage a été systématiquement piétiné par les dirigeants haïtiens, en particulier durant les cinquante dernières années, laissant un pays en proie à l’instabilité et aux inégalités criantes.

L’idéal dessalinien s’enracine dans un désir fervent de liberté totale et absolue pour les esclaves noirs, et dans une aspiration à construire un État libre et indépendant. L’empereur, en proclamant l’indépendance le 1er janvier 1804, ne visait pas seulement à affranchir Haïti de la domination coloniale française, mais à créer une société où les anciens esclaves seraient pleinement reconnus en tant qu’êtres humains libres et égaux. Pour lui, l’indépendance politique devait s’accompagner d’une transformation sociale radicale : renverser le système colonialiste et esclavagiste et ségrégationniste qui avait déshumanisé la population noire extirpée du continent africain.

Sa vision pour Haïti allait bien au-delà de l’indépendance : il rêvait d’une nation souveraine, unie, et capable de résister aux tentatives néocoloniales. Cette approche transparaît dans ses actions audacieuses, comme la redistribution des terres confisquées aux anciens colons blancs pour qu’elles reviennent aux Haïtiens. Il croyait que la justice sociale passait par la répartition équitable des ressources, marquant ainsi une rupture radicale avec les pratiques européennes d’exploitation. Jean-Jacques Dessalines s’impose comme un héros indéfectible dans la lutte contre l’esclavage. Ancien esclave lui-même, il incarne la volonté de se libérer de l’oppression.

Un héritage trahi

Malheureusement, l’héritage de Dessalines a été trahi par de nombreux dirigeants haïtiens, en particulier au cours des cinq dernières décennies. Alors que Dessalines prônait une souveraineté totale et l’émancipation économique des Haïtiens, les dirigeants contemporains se sont souvent alignés sur des intérêts étrangers, trahissant l’idéal de justice sociale et d’autodétermination.

Les années de gouvernance marquées par la corruption, la mauvaise gestion des ressources, et la soumission aux diktats des puissances étrangères contrastent violemment avec la vision du premier des haïtiens. Plutôt que de poursuivre les réformes socio-économiques que le père fondateur de la nation avait initiées, plusieurs dirigeants se sont attelés à enrichir des élites locales et internationales, laissant la majorité de la population dans la pauvreté.

De plus, les inégalités sociales et économiques ont été exacerbées par des politiques inefficaces, une absence flagrante de leadership engagé et une violence armée planifiée. L’esprit de Dessalines, axé sur la justice et l’unité, a été éclipsé par des luttes de pouvoir intestines, des coups d’État et l’ingérence étrangère, dilapidant ainsi l’espoir d’une Haïti souveraine et forte. La négligence des institutions publiques, l’absence de réformes agraires, et l’inaccessibilité des services de base à la population sont autant de signes que l’idéal dessalinien est devenu, un leurre, un faux-semblant voire une façade dans le discours politique haïtien.

Face à cette trahison de l’héritage dessalinien, il devient plus qu’urgent de réexaminer les principes fondateurs d’Haïti. Le symbolisme de Jean-Jacques Dessalines et sa vision pour un État véritablement libre doivent être ravivés, non seulement comme un modèle historique, mais comme une boussole pour orienter les réformes à venir. La souveraineté politique et économique, l’égalité sociale, et la justice doivent redevenir des priorités pour les dirigeants haïtiens, afin de redonner à la population la dignité que le père de la nation avait si farouchement défendue.

En fin de compte, honorer l’héritage de Dessalines implique de redonner à Haïti une vraie autonomie et de reconstruire un pays où l’égalité et la justice ne sont plus de vains mots. Les générations futures méritent de vivre dans une Haïti qui respecte l’idéal dessalinien, un pays fidèle à sa mission première : être une nation libre, fière et souveraine.

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