L’impact de l’insécurité sur l’apprentissage des élèves de la 9ème et du NS4 à Port-au-Prince

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Depuis l’escalade spectaculaire de la violence des gangs armés au cœur de Port-au-Prince le 29 février 2024, plusieurs écoles ont été contraintes de fermer, tandis que d’autres ont été totalement vandalisées. En conséquence, les élèves de 9ème année fondamentale et de NS4 éprouvent des difficultés pour se préparer aux examens du Baccalauréat. C’est le cas des élèves des lycées de Port-au-Prince qui subissent majoritairement cette situation alarmante.

En 2024, Haïti a été confrontée à une crise humanitaire majeure due à la violence des gangs. Selon l’ONU, au moins 2 505 personnes ont été tuées ou blessées entre janvier et mars, reflétant une période de conflits extrêmement violents pour le contrôle territorial. Ces affrontements ont entraîné des pertes humaines massives et ont exacerbé la situation déjà précaire des déplacements internes, avec plus de 578 074 personnes déplacées en 2024. La violence a également forcé la fermeture de 900 écoles, privant environ 200 000 enfants de leur éducation.

Conditions d’apprentissage difficiles

Il est midi, ce vendredi 21 juin 2024, à l’avenue Charles Summer, dans les locaux de l’ISNAC. Les lycéens échangent dans la cour ; certains expriment leurs inquiétudes quant à la préparation des examens officiels, tandis que d’autres cherchent des places pour s’asseoir en classe. L’espace accueille les élèves du lycée Toussaint et ceux du lycée Fritz Pierre Louis, suite à l’escalade de la violence des gangs au centre-ville de Port-au-Prince. Trouver une place pour suivre correctement les cours est un véritable calvaire pour ces élèves, alors que l’examen du Baccalauréat approche.

Wedney Monvoisin, un enseignant de français, ainsi qu’un responsable de la gestion de l’espace qui souhaite rester anonyme, témoignent de la surpopulation dans les salles de classe. « Au moins 70 à 80 élèves sont présents dans chaque salle, ce qui ne correspond pas aux principes de l’enseignement, » explique Monvoisin.

Répercussions sur l’apprentissage

L’insécurité qui sévit à Port-au-Prince empêche les élèves de se préparer correctement aux examens officiels. « Je ne me sens pas dans un environnement propice à l’apprentissage. Nous n’avons pas de professeurs, nous n’étudions pas dans des conditions adéquates alors que les examens sont dans un mois, » déplore un élève du NS4 du lycée Fritz Pierre Louis.

Cependant, pour certains, la situation actuelle est une source de motivation. « Je suis en 9ème, élève au lycée des jeunes filles. Je suis victime de l’insécurité et dors actuellement chez un ami. Mais je sais que l’école est la seule arme qui peut me permettre de réussir dans la vie, alors je me résigne à tout endurer pour affronter les examens, » déclare une adolescente de 15 ans.

Selon un professeur de français du lycée Fritz Pierre Louis, la violence des gangs armés a de graves répercussions sur la santé mentale des élèves. « Il faut beaucoup de patience en tant qu’enseignant pour aider les élèves à s’adapter à la situation. Nous faisons tout notre possible pour boucler le programme avant les examens officiels, » affirme-t-il, ajoutant que les élèves ont un besoin urgent d’accompagnement psycho-éducatif.

Impact sur la santé mentale

Landrin Johanne, une spécialiste en santé mentale et coach en développement personnel, nous a fait savoir que l’insécurité peut avoir un impact significatif sur la mémoire des élèves, que ce soit en raison de ce qu’ils ont vécu ou vu au quotidien, tel que les scènes de crimes, les cadavres, ou encore des contenus liés à la violence sur les réseaux sociaux. En conséquence, leurs émotions ressenties prennent le dessus sur leurs connaissances acquises, ce qui pourrait entraîner un problème de mémorisation chez eux.

« Les élèves de la 9ème ou du NS4 qui ont été confrontés à la violence qui règne à Port-au-Prince ces derniers mois, peuvent ressentir un manque d’estime de soi, ce qui constitue un véritable obstacle à leur apprentissage et à leur préparation pour les examens officiels, » ajoute-t-elle.

Toutefois, elle demande aux instances concernées de mettre en place dans les établissements scolaires un programme de formation sur la santé mentale, tel que l’expression des émotions, la thérapie de groupe, et l’analyse comportementale. Elle encourage aussi les médias à jouer un rôle crucial en diffusant des messages de réconfort et des contenus liés aux campagnes de sensibilisation afin de faciliter l’adaptation des élèves à la situation actuelle.

Dans ce contexte difficile, enseignants et élèves espèrent une amélioration rapide de la sécurité pour que la paix et la tranquillité reviennent à Port-au-Prince.

Judelor Louis Charles
Vant Bèf Info (VBI)