Les subtilités politiques du « Roi Lion » : une analyse de la servitude volontaire et de la manipulation des médias

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« Le Roi Lion », le célèbre film d’animation de Disney, est bien plus qu’une simple histoire d’animaux dans la savane. En plongeant au cœur de ce récit, nous découvrons des nuances politiques intéressantes, notamment dans la manière dont Disney a réussi à faire accepter Mufasa comme leader, malgré sa similitude de pouvoir avec son frère Scar. Dans cet article, nous examinerons les subtilités du pouvoir, la servitude volontaire et les influences médiatiques. Nous établirons également des parallèles avec la théorie de la servitude volontaire d’Étienne de La Boétie, et critiquerons le film à la lumière des écrits de Noam Chomsky sur les médias et du livre « Propaganda » d’Édouard Bernays.

I. La similitude de pouvoir entre Mufasa et Scar

Haïti, le 9 juin 2024 – Bien que Mufasa et Scar possèdent des pouvoirs différents en termes de leadership, en tant que lions, leur capacité à chasser et à se nourrir de la population majoritairement herbivore était identique. Cependant, Disney a habilement manipulé les spectateurs en présentant Mufasa comme un dirigeant bienveillant et juste, tandis que Scar était dépeint comme un vilain tyrannique. Cette manipulation a été renforcée par l’utilisation des médias pour créer une image positive de Mufasa et une image négative de Scar.

L’analyse de cette dynamique rappelle l’idée de la construction de l’autorité par la perception publique, un thème central dans les études médiatiques. Noam Chomsky, dans ses nombreuses analyses critiques des médias, souligne comment les médias peuvent être utilisés pour fabriquer le consentement et orienter les perceptions de la réalité au profit de ceux qui détiennent le pouvoir. Chomsky explique que « les médias de masse servent les intérêts des élites » en utilisant des récits qui justifient et soutiennent leur domination (Chomsky, 1988).

II. La servitude volontaire dans « Le Roi Lion »

La servitude volontaire, concept théorisé par Étienne de La Boétie au XVIe siècle, explique comment les individus peuvent accepter leur propre soumission à un pouvoir oppressif. Dans « Le Roi Lion », les animaux herbivores, bien qu’étant les proies de Mufasa et Scar, préfèrent Mufasa en raison de la construction d’une image de leader charismatique et protecteur. Ils acceptent volontairement leur situation, convaincus que Mufasa est le meilleur choix malgré le fait qu’il les mange également.

La Boétie écrivait que « la première raison de la servitude volontaire, c’est l’habitude » (La Boétie, 1576), et dans « Le Roi Lion », cette habitude est renforcée par l’idéologie et les récits construits autour de Mufasa. Les animaux de la savane sont conditionnés à voir Mufasa comme un roi juste et protecteur, une vision entretenue par les récits et symboles de pouvoir, tels que les cérémonies de la présentation de Simba et les leçons de vie transmises par Mufasa.

III. Manipulation des médias

Noam Chomsky, intellectuel et linguiste américain, a souligné l’importance des médias dans la formation de l’opinion publique et la manipulation de la société. Dans « Le Roi Lion », Disney utilise des techniques similaires pour façonner les attitudes et les croyances des animaux de la savane. Les médias, représentés par les chants des oiseaux et les discussions des animaux, véhiculent un message positif sur Mufasa et un message négatif sur Scar, créant ainsi une perception biaisée dans l’esprit des spectateurs.

Chomsky et Edward Herman, dans leur ouvrage « Manufacturing Consent », expliquent que « la propagande est aux démocraties ce que la violence est aux dictatures » (Chomsky & Herman, 1988). Cette notion se reflète dans « Le Roi Lion », où Disney utilise des techniques narratives et visuelles pour manipuler les émotions et les perceptions des spectateurs, favorisant ainsi l’acceptation de Mufasa comme le dirigeant légitime.

IV. L’influence de « Propaganda » d’Édouard Bernays

« Propaganda », un ouvrage clé écrit par Édouard Bernays en 1928, explore l’utilisation de la manipulation de l’opinion publique à des fins politiques. Dans « Le Roi Lion », on peut observer des parallèles avec les idées de Bernays, notamment dans la manière dont Disney crée des héros et des méchants pour influencer l’opinion du public en faveur du personnage qu’ils souhaitent promouvoir. En utilisant des techniques de propagande subtiles, Disney réussit à faire adhérer le public à l’image du « héros » Mufasa, en le présentant comme un leader bienveillant, protecteur et charismatique, tout en diabolisant le personnage de Scar en tant que « méchant » tyrannique et manipulateur.

Dans « Propaganda », Bernays décrit comment les manipulateurs d’opinion peuvent façonner les perceptions et les attitudes des individus en contrôlant les informations qu’ils reçoivent. De manière similaire, Disney contrôle l’accès aux informations dans « Le Roi Lion » en décidant quels événements, dialogues et musiques mettront en valeur Mufasa comme le roi juste et bon, et Scar comme le traître sans scrupules (Bernays, 1928).

L’utilisation de la musique est un autre aspect important de la manipulation de l’opinion publique dans le film. Les chansons telles que « Hakuna Matata » et « Je voudrais déjà être roi » renforcent l’image positive de Mufasa et Simba en tant que leaders aimables et optimistes, tandis que Scar est dépeint comme un personnage sombre et calculateur, avec des chansons plus sinistres telles que « Sois préparé ».

La manipulation subtile des émotions du public est également un outil utilisé par Disney pour influencer les spectateurs en faveur de Mufasa. Des scènes émouvantes, comme la mort tragique de Mufasa et le deuil de Simba, suscitent de l’empathie et une connexion émotionnelle avec les personnages, ce qui renforce l’acceptation de Mufasa comme un leader aimé et respecté.

En revanche, Scar est présenté de manière à susciter du mépris et du dégoût, avec des traits de personnalité égocentriques et cruels. Il est montré comme étant avide de pouvoir, prêt à trahir sa famille et à détruire la savane pour parvenir à ses fins. Cette caractérisation manipulatrice pousse les spectateurs à rejeter le personnage de Scar et à accepter Mufasa comme le meilleur choix pour diriger.

Ainsi, « Le Roi Lion » utilise des techniques de manipulation de l’opinion publique qui reflètent les idées exposées par Édouard Bernays dans « Propaganda ». Disney façonne délibérément des héros charismatiques et des méchants diaboliques pour influencer les spectateurs en faveur de Mufasa, créant ainsi un récit politique subtil dans lequel la servitude volontaire des animaux de la savane est acceptée grâce à des stratégies médiatiques habiles. Cependant, il est essentiel d’être conscient de ces mécanismes de persuasion et de manipulation pour développer une pensée critique et ne pas tomber dans le piège de l’acceptation aveugle de messages préfabriqués.

Deslande ARISTILDE
Vant Bèf Info (VBI)