Protection des journalistes en Haïti : un plan d’action renforcé entre l’UNESCO et la Justice

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Alors que le climat sécuritaire continue de se détériorer en Haïti, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) et le Ministère de la Justice ont convenu, mardi 3 juin, d’un plan d’action commun pour améliorer la protection des journalistes. La rencontre, tenue à Port-au-Prince entre le ministre Patrick Pélissier et le Représentant résident de l’UNESCO, Eric Voli BI, a porté sur les enjeux liés à la sécurité des professionnels de la presse, la liberté d’expression et le rôle crucial des médias dans le processus électoral.

Des mesures concrètes pour une presse plus protégée
Port-au-Prince, 4 juin 2025 – Plusieurs axes de collaboration ont été définis. L’un des piliers du plan prévoit la formation des officiers de police judiciaire (OPJ) et des magistrats pour mieux documenter, poursuivre et juger les crimes commis contre les journalistes. Un dialogue structuré entre les forces de l’ordre et les professionnels des médias sera également encouragé, notamment durant les manifestations ou périodes de tension, afin de prévenir les abus et favoriser la compréhension mutuelle sur le terrain.
Des sessions de formation à la sécurité et la distribution d’équipements de protection (gilets pare-balles, casques) sont aussi prévues pour les journalistes de terrain, souvent en première ligne dans un environnement instable.
Élections : encadrer les médias, garantir l’équité
Dans la perspective des prochaines élections, les deux institutions veulent également instaurer un cadre plus équitable pour les médias. Cela passe par une réglementation plus claire du rôle des organes de presse dans le processus électoral, en veillant à l’équilibre, à la transparence et à l’inclusion des voix dans l’espace public.
Par ailleurs, le projet prévoit une réforme du paysage médiatique, avec une attention particulière portée à la lutte contre la désinformation et les discours de haine, deux menaces croissantes pour la cohésion sociale et la démocratie.
Un contexte alarmant, une urgence d’agir
Cette initiative survient dans un climat marqué par une insécurité généralisée. Les journalistes haïtiens sont régulièrement confrontés à des menaces, des agressions, des enlèvements et parfois même des assassinats. Selon une enquête menée en 2024 par l’UNESCO auprès de 86 journalistes haïtiens, 76 % affirment avoir été menacés, 62 % disent avoir été harcelés, et plus de 30 % font état de menaces physiques. Plus de la moitié des sondés (54 %) reconnaissent que ces violences ont affecté leur travail.
Cette précarité contribue à l’exode de plusieurs journalistes, à la fermeture de rédactions et à la détérioration de la qualité de l’information, à un moment où le besoin d’une presse libre est plus vital que jamais.
Classements en chute libre, impunité persistante
Dans son dernier rapport publié à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse (3 mai 2025), Reporters sans frontières (RSF) classe Haïti à la 111e place sur 180 pays, en recul de 18 positions par rapport à 2024. Parallèlement, le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) indique qu’Haïti figure parmi les pays où l’impunité pour les crimes contre les journalistes est la plus élevée au monde, avec plus d’une vingtaine de journalistes tués entre 2000 et 2022.
« Une presse libre et sécurisée est un pilier de la démocratie. Nous devons agir maintenant », a insisté Eric Voli BI, à l’issue de la rencontre.
Le nouveau plan d’action signé entre l’UNESCO et la Justice haïtienne ouvre la voie à une coopération renforcée. Il reste à espérer que cette initiative ne s’ajoutera pas à une longue liste de promesses non tenues, mais qu’elle marquera le début d’un véritable tournant en faveur de la liberté de la presse en Haïti.
Mederson Alcindor
Vant Bèf Info (VBI)