Haïti : le recours à Academi menacerait les droits humains, alerte le CARDH

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Le Centre d’Analyse et de Recherche en Droits de l’Homme (CARDH) tire la sonnette d’alarme. Dans son dernier rapport, l’organisation critique fermement la volonté des autorités haïtiennes de faire appel à la société militaire privée Academi, ex-Blackwater. Une solution jugée risquée, inefficace à long terme et dangereuse pour les droits humains.

Port-au-Prince, le 2 juin 2025._Le spectre d’Academi plane sur Haïti. Selon une enquête du New York Times publiée le 28 mai 2025, des discussions seraient en cours entre les autorités haïtiennes et cette entreprise militaire américaine, tristement célèbre pour ses exactions passées. En 2007, à Bagdad, ses agents avaient tué 14 civils. Malgré son changement de nom, la réputation de Blackwater continue de hanter les milieux des droits humains.

Le CARDH, dans un rapport publié à l’occasion des quatre ans de l’offensive des gangs à Martissant, dénonce cette orientation sécuritaire. Pour l’organisme, confier la sécurité nationale à une entreprise privée étrangère constitue un recul majeur. Il y voit une solution de court terme, sans contrôle démocratique, qui pourrait aggraver la situation déjà explosive.

Le centre rappelle que toute intervention internationale doit être encadrée par un mandat clair, un mécanisme de contrôle indépendant et des garanties strictes en matière de droits humains. En l’absence de ces éléments, l’intervention d’une société comme Academi risque de provoquer une escalade incontrôlable.

Au fond, selon le CARDH, ce choix traduit la faillite de l’État haïtien. Incapable de contrôler son territoire, il cherche désormais des solutions externes à une crise profondément nationale. Or, comme le souligne le rapport, « l’histoire d’Haïti montre que les interventions étrangères mal préparées ne résolvent rien et génèrent de nouvelles crises ».

Face à cette dérive, le CARDH propose une série de mesures concrètes. Il recommande de moderniser la loi encadrant la Police nationale, de lever l’embargo sur les armes pour les forces de l’ordre et de créer une unité spéciale anti-gangs, dotée d’outils technologiques avancés. Une prison de haute sécurité, réservée aux chefs de gang, serait également nécessaire.

Le CARDH plaide aussi pour un tribunal d’exception afin de juger les crimes graves, des programmes de réinsertion pour les jeunes enrôlés dans les gangs, ainsi qu’un plan de désarmement structuré autour de la prévention sociale. À ses yeux, l’abandon de ces responsabilités par l’État est inacceptable.

Il appelle enfin à la mise en place d’un groupe de travail national d’urgence. Ce groupe, composé d’experts, de juristes et de représentants de la société civile, aurait pour mission de concevoir une stratégie de sécurité à long terme, tout en assurant l’encadrement de toute éventuelle aide étrangère.

« Même dans l’urgence, Haïti ne peut renoncer à sa souveraineté », prévient le CARDH. Pour l’organisation, recourir à Academi serait un aveu d’échec. Seule une stratégie nationale cohérente et assumée peut permettre au pays de sortir durablement de la spirale de l’insécurité.

Belly-Dave Bélizaire

Vant Bèf Info(VBI)

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