L’Hôpital Général en ruine, la santé publique au bord du gouffre

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Symbole du système de santé haïtien, l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti (HUEH), communément appelé Hôpital Général, est aujourd’hui à l’arrêt. Victime directe de l’insécurité croissante à Port-au-Prince, ce centre hospitalier historique a dû fermer ses portes, laissant des milliers de patients sans soins et des centaines d’étudiants en médecine sans lieu de formation.

PORT-AU-PRINCE, le 7 mai 2025 – Situé au cœur de la capitale, l’HUEH était non seulement le plus grand hôpital du pays, mais aussi le principal centre de formation post-universitaire en sciences médicales. Depuis mars 2024, l’établissement est tombé aux mains de groupes armés, essuyant attaques, pillages et incendies, jusqu’à être partiellement détruit. Le 13 février 2025, des unités essentielles comme la chirurgie, la radiologie, les archives centrales ou encore les salles d’opération ont été incendiées, précipitant l’hôpital dans un état de non-retour.
Cette défaillance critique inquiète la communauté médicale. Des étudiants de l’Université d’État d’Haïti (UEH), en médecine, soins infirmiers et autres branches de la santé, appellent à une relocalisation urgente et indépendante des services hospitaliers. Selon un document de 12 pages qu’ils ont produit, l’HUEH accueillait plus de 200 000 patients par an depuis 2012, soit en moyenne plus de 500 consultations quotidiennes. Sa fermeture soudaine compromet non seulement l’accès aux soins, mais aussi la formation de la relève médicale du pays.
L’HUEH n’est pas un cas isolé. L’Hôpital Saint-François de Sales a été vandalisé en mars 2024. À Tabarre, des hommes armés ont pénétré dans le bloc opératoire de l’hôpital de Médecins Sans Frontières en juillet 2023 pour enlever un patient. En mars 2025, quatre véhicules de MSF ont été pris pour cible à Turgeau, entraînant la suspension de leurs activités. À Mirebalais, l’hôpital universitaire est également menacé par la montée de la violence dans la région. D’autres établissements comme Bernard Mevs, les centres GHESKIO, Fanmi Lasante, ou encore plusieurs pharmacies et laboratoires, ont été attaqués ou pillés.
Cette spirale de violence entraîne l’exode des professionnels de santé, déjà en sous-effectif. Haïti compte à peine 6,5 professionnels de santé pour 10 000 habitants, loin des 25 préconisés par l’OMS. À cela s’ajoute un accès aux soins dramatiquement limité : 42 % de la population doit parcourir plus de 10 km pour accéder à un centre de santé, 22 % du territoire ne dispose d’aucune structure médicale, et seulement 10 % des Haïtiens bénéficient d’une assurance santé, contre 98 % en République dominicaine.
L’effondrement du HUEH incarne l’état critique de la santé publique en Haïti. Sans action rapide et concertée des autorités, c’est tout le système qui risque de s’écrouler. Les étudiants, les soignants restants et la population appellent à des mesures d’urgence pour sauver ce qui peut encore l’être.
Likenton Joseph
Vant Bèf Info (VBI)