Haïti – Insécurité : Port-au-Prince délaissée, les autorités se déplacent vers les provinces à la réception de partenaires étrangers

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Face à l’escalade de la violence à Port-au-Prince, les autorités haïtiennes privilégient désormais les villes de province pour mener leurs activités officielles et recevoir les délégations étrangères. La capitale, paralysée par l’insécurité et le contrôle croissant des gangs armés, perd peu à peu son rôle de centre névralgique politique et diplomatique.

Port au Prince, le 8 mai 2025–

Depuis la fermeture de l’aéroport international de Port-au-Prince aux vols commerciaux en novembre 2024, la ville est quasiment coupée du monde. Pour compenser cet isolement, l’État haïtien a débloqué plus de 3,8 millions de dollars pour moderniser en urgence les infrastructures de Jacmel : restauration de l’alimentation électrique, rénovation de l’hôtel de ville, et allongement de la piste de l’aéroport pour accueillir des avions militaires. Des investissements éclair qui suscitent des interrogations sur les priorités du gouvernement en pleine crise.

Le 22 janvier 2025, le président colombien Gustavo Petro a effectué une visite officielle en Haïti, marquant un fait rare dans le contexte actuel. Mais c’est à Jacmel, et non à Port-au-Prince, qu’il a été accueilli par les responsables haïtiens. Cette rencontre, axée sur la coopération bilatérale dans les domaines de l’agriculture, de la technologie et de l’économie, reflète la nécessité de fuir une capitale jugée trop dangereuse pour garantir la sécurité des invités étrangers.

Le 7 mai 2025, un autre déplacement symbolique a eu lieu : Fritz Alphonse Jean, président du Conseil Présidentiel de Transition, s’est rendu au Cap-Haïtien accompagné du président de la Banque interaméricaine de développement, Ilan Goldfajn, pour une visite à l’Hôpital Universitaire Justinien. L’objectif : évaluer les besoins sanitaires de la région et renforcer les projets en province, loin du chaos de la capitale.

Cette décentralisation masquée et forcée du pouvoir met à nu l’ampleur de la crise haïtienne. Alors que Port-au-Prince est laissée aux mains des groupes armés, les villes de province deviennent les nouveaux bastions d’une gouvernance en mode survie. Toutefois, ce déplacement géographique, bien que tactique, ne saurait répondre à la nécessité d’un retour à la stabilité dans la capitale.

Malgré l’arrivée prochaine d’une mission internationale conduite par le Kenya, les moyens restent insuffisants. L’appel à une opération de maintien de la paix sous l’égide des Nations unies devient de plus en plus urgent.

Dans ce contexte critique, l’État haïtien semble tiraillé entre la nécessité de continuer à fonctionner et l’abandon progressif d’un territoire symbolique. Le choix de transférer les opérations politiques et diplomatiques hors de la capitale prend des allures d’exil intérieur, révélant l’extrême fragilité du pouvoir en place.

Judelor Louis Charles

Vant Bèf Info (VBI)

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