Quand l’insécurité bâillonne la presse en Haïti et étrangle la démocratie

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Par Wandy CHARLES

En Haïti, informer relève désormais de la témérité tel un acte de bravoure. Depuis mai 2024, les salles de rédaction se vident, les micros se taisent, les plumes tremblent. Le journalisme, jadis rempart de la vérité, se transforme en profession à haut risque, exposée aux balles, aux flammes et au silence imposé par les armes gangs qui dictent leurs lois a Port-au-Prince et ses environs.

Les faits sont brutaux. Le 24 décembre 2024, deux journalistes, Marckenzy Nathoux et Jimmy Jean, sont fauchés par des rafales en pleine couverture d’un événement public à Port-au-Prince. Sept autres sont blessés. L’attaque, revendiquée par la redoutable coalition criminelle Viv Ansanm, n’a suscité ni arrestation, ni procès, seulement un deuil supplémentaire dans les rangs de la presse et des condamnations creuses, donc sans suite.

Dans les mois qui suivent, la répression prend une autre tournure : les murs tombent. Les locaux de la Radio-Télévision Caraïbes sont incendiés à la rue Chavannes. Télé Pluriel est visée. Le Nouvelliste, doyen de la presse écrite haïtienne, a lui aussi été attaqué et vandalisé. Son édition papier a été suspendue. Un siècle d’histoire piétiné en quelques heures. L’information survit, mais amputée, essoufflée, forcée de migrer en ligne, gratuite, précaire.

Ce climat d’hostilité n’est pas le fruit du hasard. Il s’agit d’une entreprise de démolition lente et méthodique. La cible ? Ceux qui refusent de se taire. Ceux qui nomment les coupables, exposent les dérives, et refusent de courber l’échine. L’UNESCO est formelle : plus de 3 journalistes sur 4 reçoivent aujourd’hui des menaces. Et 30 % ont déjà été physiquement agressés. Un chiffre qui ne dit pas la peur quotidienne, les rédactions cloîtrées, les reportages annulés, les enquêtes bâclées faute de sécurité.

L’impunité, elle, fait office de carburant. Selon le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), Haïti figure désormais dans le top des pays où tuer un journaliste ne coûte rien, où le crime reste sans conséquence, et où l’État affaibli ne plus protéger les travailleurs de la presse comme il le devrait. Certes, des promesses sont faites. Les autorités concernées jurent vouloir protéger la liberté de la presse. Il parle de transparence, de soutien, de justice. Mais dans les rues, les journalistes tombent, les studios brûlent, et les bourreaux paradent.

Pourtant, chaque matin, des hommes et des femmes choisissent de tenir bon. D’ouvrir leurs micros, de publier leurs reportages, de poser les questions qui dérangent. Cette résistance héroïque force le respect. Mais elle ne peut, à elle seule, enrayer la descente aux enfers d’un pays où l’on tue la presse pour mieux étouffer la démocratie.

Cependant, toute la société doit comprendre qu’une presse muselée, est une société désarmée. Car, sans une presse libre, il n’y a ni justice, ni mémoire, ni avenir.

Vant Bef Info (VBI)

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