Haïti : plus de 1 600 morts en trois mois, le pays s’enfonce dans la violence aveugle

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Haïti traverse une période de violence sans précédent. Selon le dernier rapport du Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), plus de 1 600 personnes ont été tuées entre janvier et mars 2025. La crise sécuritaire, aggravée par l’emprise croissante des gangs, les actions de groupes d’autodéfense et l’implication des forces de l’ordre, touche l’ensemble du pays.

Port-au-Prince, le 30 avril 2025 –
Durant le premier trimestre, 1 617 personnes ont perdu la vie dans des actes de violence extrême. À ce lourd bilan s’ajoutent 580 blessés et 161 cas d’enlèvements contre rançon. Les violences impliquent aussi bien des bandes armées que des groupes d’autodéfense, et dans certains cas, les forces de sécurité elles-mêmes.
Les gangs continuent d’étendre leur territoire, notamment dans la région métropolitaine de Port-au-Prince. Les communes de Delmas et de Kenscoff ont été ciblées pour déstabiliser Pétion-Ville, tandis que des attaques ont été menées à Mirebalais et Saut d’Eau dans le but de contrôler des routes stratégiques vers la frontière dominicaine. Ces affrontements ont entraîné l’évasion de plus de 500 détenus de la prison de Mirebalais.
Parallèlement, le mouvement d’autodéfense « Bwa Kalé » a intensifié ses actions, entraînant la mort d’au moins 189 individus accusés de liens avec les gangs. Ces exécutions extrajudiciaires contribuent à entretenir un climat d’impunité généralisée, alerte le BINUH.
Le rapport épingle également les forces de l’ordre : 802 décès sont survenus lors d’opérations policières, dont environ 20 % concernaient des civils touchés par des balles perdues. Des policiers, ainsi qu’un commissaire du gouvernement, sont soupçonnés d’avoir mené 65 exécutions sommaires.
Les femmes et les enfants figurent parmi les principales victimes. Le document fait état de 333 cas de violences sexuelles, dans 96 % des cas perpétrés sous forme de viols collectifs par des gangs. Au moins 35 enfants ont été tués et 10 blessés ; plusieurs ont été enrôlés de force dans les groupes armés.
Pour tenter d’endiguer la crise, le gouvernement de transition a instauré des pôles judiciaires spécialisés. À ce jour, 114 affaires de viol sont en cours d’instruction. Toutefois, les progrès demeurent lents, y compris dans les dossiers les plus sensibles comme l’assassinat de l’ancien président ou les massacres de civils.
Alors que la spirale de violence se poursuit, l’impunité reste l’un des obstacles majeurs au rétablissement de l’ordre. La population, tout comme la communauté internationale, attend des mesures concrètes pour faire respecter les droits fondamentaux et restaurer l’autorité de l’État.
Jean Allens Macajoux
Vant Bèf Info (VBI)