Haïti au Conseil de sécurité : dernière alarme d’un pays au bord du gouffre

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Par Wandy CHARLES

Le 21 avril 2025, dans l’enceinte solennelle du Conseil de sécurité de l’ONU, Haïti a été au cœur d’une discussion aux allures de constat d’échec collectif. L’heure n’était plus à la diplomatie feutrée, mais à une lucidité glaçante : la République d’Haïti, étranglée par une insécurité endémique, vacille dangereusement vers un « point de non-retour ».

Derrière les murs de marbre du siège des Nations Unies, la parole s’est faite grave. Les faits évoqués donnent le vertige : plus de 85 % de la capitale haïtienne serait aujourd’hui aux mains de gangs lourdement armés ; Mirebalais, ville stratégique, a été prise d’assaut, et plus de 500 détenus se sont évaporés dans la nature. En deux mois seulement, entre février et mars, plus de 1 000 personnes ont été tuées. À cela s’ajoute le million de déplacés internes déjà recensés.

La Police nationale, malgré l’appui de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS), est à bout de souffle. Les stratégies efficaces font défaut, le chaos déborde. La représentante spéciale de l’ONU, María Isabel Salvador, a elle-même dressé un constat accablant : la mission internationale ne fonctionne qu’à 40 % de sa capacité. Sous-équipée, sous-financée, démobilisée avant même d’avoir été véritablement lancée.

Dans ce théâtre d’urgence, les mots se sont faits tranchants. La Chine, dans une déclaration sans détour, a dénoncé l’hypocrisie d’un embargo américain « purement symbolique », incapable d’endiguer le flot d’armes qui arment les gangs depuis les ports de Floride. Pire encore, elle a pointé du doigt les États-Unis comme les architectes du désastre, les accusant d’avoir impulsé un gouvernement de transition avant de se désengager, laissant Haïti aux mains de la violence et de la désespérance.

Et pendant que les puissances s’écharpent sur les responsabilités et les mécanismes de soutien, la population haïtienne continue de sombrer dans l’indicible. Les appels répétés à la solidarité, à l’engagement financier, à la fermeté contre les trafiquants d’armes résonnent dans le vide diplomatique. Le Conseil de sécurité, encore une fois, peine à forger un consensus sur le financement de la mission, alors même que le pays s’écroule.

Haïti est aujourd’hui l’image d’un État faible, où l’autorité publique s’efface devant des entités criminelles mieux organisées, mieux armées, plus déterminées. Un territoire fragmenté, où le droit cède la place à la peur, et la vie à la survie.

Il ne s’agit plus de simplement appuyer Haïti. Il s’agit de refuser sa disparition. Il s’agit de rappeler que dans ce coin des Caraïbes, au-delà des statistiques morbides, il y a un peuple digne, meurtri, mais encore debout, qui attend que justice, sécurité et espoir ne soient pas que des mots de tribune.

La réunion du 21 avril aura été une alarme. Peut-être la dernière. Reste à savoir si elle aura été entendue.

Vant Bef Info (VBI)

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