Quitter Port-au-Prince à tout prix : le calvaire des habitants du Grand Sud

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Depuis plus de deux ans, la Route nationale #2, principal axe reliant la capitale au Grand Sud d’Haïti, est sous le contrôle de gangs armés opérant à Mariani et Gressier. Cette situation a transformé le voyage vers le sud en un véritable parcours du combattant, poussant les habitants à emprunter des itinéraires détournés, souvent encore plus dangereux. Aujourd’hui, seule la voie maritime reste une alternative, bien que précaire et incertaine.

Une route barrée, des alternatives meurtrières

Port-au-Prince, 25 mars 2025 – Dans un premier temps, certains voyageurs ont tenté de contourner les zones sous l’emprise des gangs en passant par Kenscoff pour rejoindre la côte Sud-Est. Mais cette option s’est vite révélée tout aussi périlleuse. Des attaques violentes y ont été signalées, avec l’instauration de péages forcés imposés par des hommes armés.

Un père de famille originaire des Cayes témoigne :

« J’ai pris la route de Kenscoff avec ma femme et mes deux enfants. Nous pensions avoir trouvé une issue, mais à l’entrée de Kenscoff, des hommes armés nous ont arrêtés. Ils nous ont dépouillés et ont menacé d’enlever ma fille si je ne payais pas une somme que je n’avais pas. Ce jour-là, j’ai cru que nous allions tous mourir. »

Face à ces dangers, de plus en plus de familles se tournent vers la mer, malgré les risques liés aux traversées clandestines. Les embarcations, souvent surchargées et mal équipées, voguent vers l’inconnu, tandis que certaines zones côtières sont également le théâtre de violences.

L’exode forcé des plus vulnérables

Les enfants, les femmes enceintes et les personnes âgées figurent parmi les premières victimes de cet exode. Beaucoup ont été contraints de tout abandonner pour fuir la menace omniprésente.

Mireille, une jeune mère de 27 ans, a pris la fuite avec son nourrisson de trois mois :

« Les gangs entraient dans notre quartier chaque nuit. Je n’arrivais plus à dormir. Un soir, ils ont incendié une maison voisine. J’ai su que si je restais, mon fils et moi ne survivrions pas. J’ai pris ce que j’ai pu et je suis montée à bord d’un bateau, sans savoir où j’allais atterrir. »

D’autres, dont un étudiant en sciences économiques, ont fui sous la menace des frappes aériennes menées par les forces de l’ordre pour neutraliser les gangs :

« J’habitais une zone rouge. Entre les gangs et les frappes des forces de l’ordre, nous étions pris en étau. Je ne pouvais plus étudier, plus travailler. J’ai tout laissé derrière moi pour avoir une chance de survivre. »

Un avenir incertain

Chaque jour, des centaines de personnes quittent Port-au-Prince sans aucune garantie de sécurité ou d’un avenir meilleur. L’exode massif aggrave une crise humanitaire déjà préoccupante : ceux qui fuient manquent de tout et peinent à reconstruire une vie ailleurs.

Pendant ce temps, les gangs continuent d’étendre leur emprise sur la capitale, plongeant Port-au-Prince dans une instabilité grandissante. Pour les habitants du Grand Sud, un seul objectif demeure : partir, à tout prix, avec l’espoir fragile de retrouver un jour une vie normale.

Judelor Louis Charles
Vant Bèf Info (VBI)

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