Haïti : plus de 3 ans de transition perdus, des promesses non tenues

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Depuis l’assassinat de Jovenel Moïse le 7 février 2021, Haïti traverse une crise politique profonde marquée par une instabilité persistante. Ariel Henry, nommé avant la mort de Moïse et installé quelques mois plus tard, a dirigé le pays pendant 36 mois sans réussir à rétablir la sécurité ni organiser d’élections. En février 2024, la crise a été exacerbée par des attaques coordonnées de gangs, entraînant sa démission sous pression internationale. Un nouvel accord politique signé le 3 avril 2024 a instauré une nouvelle formule de transition, mais l’inaction des autorités maintient le pays dans une crise sécuritaire et politique inquiétante.

Une transition conçue par la communauté internationale

Port-au-Prince, le 7 mars 2025. Le 11 mars 2024, lors d’une réunion réunissant des acteurs haïtiens et plusieurs pays, dont les États-Unis, Ariel Henry a annoncé sa démission, ouvrant ainsi la voie à la formation d’un Conseil Présidentiel de Transition (CPT). Mais ce changement n’a pas été immédiat : des semaines de négociations tendues ont précédé la mise en place effective du CPT, après des désaccords sur sa légalité.

Finalement, le CPT a été constitué de sept membres votants représentant les principales forces politiques et le secteur privé, ainsi que deux observateurs issus de la société civile et de la communauté religieuse. Si les États-Unis ont salué cette avancée comme une étape cruciale vers des élections, l’ONU a appelé le Conseil à rapidement honorer ses engagements. Le 25 avril 2024, après plusieurs mois de tensions, le CPT a prêté serment, officialisant ainsi le début d’une nouvelle phase de transition avec la mission de rétablir la sécurité et d’organiser des élections dans un pays sans président depuis l’assassinat de Jovenel Moïse.

Cinq mois de pouvoir pour Garry Conille avant son limogeage

En juin 2024, Garry Conille a été nommé Premier ministre pour tenter de stabiliser un pays en proie à une violence croissante. Cependant, son mandat n’a duré que cinq mois, précipité par un conflit avec le CPT concernant le remaniement de ministères clés, notamment ceux de la Justice, des Finances, de la Défense et de la Santé. Le Conseil a exigé des changements que Conille a refusés, ce qui a conduit à son éviction. Ce court passage au pouvoir a été marqué par une intensification de l’insécurité, au point où Conille a dû être évacué en urgence en juillet 2024, après des tirs de gangs dans un quartier de Port-au-Prince.

Le 11 novembre 2024, Alix Didier Fils-Aimé a été nommé à la tête du gouvernement, illustrant une fois de plus l’instabilité qui paralyse tout redressement du pays.

Une présidence tournante au sein du CPT : une impasse politique

L’introduction d’une présidence tournante au sein du CPT, censée garantir une gestion collégiale, s’est avérée une supercherie politique, sans fondement légal. Ce système a renforcé une gouvernance improvisée, sans légitimité démocratique. Depuis la mise en place du CPT, trois présidents se sont succédé :

  • Edgard Leblanc (30 avril 2024 – 7 octobre 2024)
  • Leslie Voltaire (7 octobre 2024 – 7 mars 2025)
  • Fritz Alphonse Jean (depuis le 7 mars 2025)

Malgré ces changements, aucun progrès significatif n’a été accompli. Leslie Voltaire, par exemple, avait promis la libération d’au moins une route nationale avant la fin de son mandat. À quelques heures de son départ, cette promesse reste non tenue.

Un bilan catastrophique : insécurité et crise humanitaire

La situation sécuritaire a continué de se détériorer pendant ces mois de transition :

  • Des massacres ont été perpétrés, touchant enfants, bébés, femmes, personnes âgées et handicapées.
  • Des centaines de maisons ont été incendiées et pillées.
  • Des milliers de familles ont été contraintes de fuir, cherchant refuge en province ou dans des camps de déplacés internes.

Le pays est désormais à un point critique, où la vie humaine semble ne plus avoir de valeur face aux gangs qui contrôlent une grande partie de Port-au-Prince et d’autres villes. L’État, soit par incapacité, soit par complicité, semble avoir abandonné la population aux mains des criminels.

Qu’attendre du nouveau président du CPT, Fritz Alphonse Jean ?

Alors que Fritz Alphonse Jean prend les rênes du CPT, une question cruciale se pose : Va-t-il suivre la même trajectoire d’inaction que ses prédécesseurs, ou sera-t-il capable de redonner espoir à une population désespérée ?

Jusqu’à présent, la transition haïtienne a été une illusion, avec des gouvernements éphémères, des promesses non tenues, et un pays de plus en plus enfoncé dans la crise. Les prochains mois seront décisifs pour savoir si Haïti pourra sortir de cette impasse historique ou si ce cycle infernal d’instabilité se poursuivra.

Judelor Louis Charles
VANT BÈF INFO (VBI)