« Viv Ansanm » : la capitale haïtienne sous l’emprise des gangs, les citoyens expriment leur ras-le-bol
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Port-au-Prince, 30 novembre 2024.- Dans les dédales chaotiques de la capitale haïtienne, une force sombre a fait pleurer plus d’un : « Viv Ansanm », une coalition des gangs relativement puissant, a transformé des quartiers de Port-au-Prince en un véritable territoire assiégé, du terrorisme domestique. Au milieu de la poussière des rues et du tumulte des cris, les habitants tentent de survivre à une violence omniprésente.
« Nous vivons comme des prisonniers »
À Delmas 40 B, une mère de famille raconte, la voix brisée :
« Chaque jour, nous vivons avec la peur. Mon fils a été enlevé le mois dernier. Ils nous ont demandé une rançon qu’on n’avait pas. Depuis, je ne dors plus. » Comme elle, des milliers de personnes se retrouvent prises au piège. Les ruelles autrefois vivantes sont désertes, les marchés fermés ou sous le contrôle direct des gangs. « Viv Ansanm », malgré son nom qui évoque l’unité, n’a rien d’une initiative communautaire, semble-t-il. Derrière les distributions occasionnelles, d’argent, de nourriture et les promesses d’emplois, ce sont des exécutions sommaires, des pillages et une domination impitoyable qui règnent.
Dans certains quartiers, les chefs de gang disent « faire du social » et offrent des postes de « sécurité » aux jeunes hommes pour maintenir leur contrôle. Mais pour beaucoup, ces gestes ne sont qu’un écran de fumée. « Ils jouent les bienfaiteurs, mais tout le monde sait qu’ils nous utilisent comme boucliers humains, » dénonce Beauchard, un jeune homme de Carrefour-Feuilles, désabusé. « Ce n’est pas vivre ensemble, c’est survivre sous leur joug », ajoute-t-il avec sarcasme.
Un vide laissé par l’État
Viv Ansanm prospère dans un vide étatique béant. Depuis des années, les institutions haïtiennes sont incapables d’assurer les besoins fondamentaux de la population. À Pétion-ville, un commerçant témoigne : « L’État ? C’est un fantôme. Ceux qui sont censés nous protéger ne font rien, alors les gangs prennent leur place. » Les spécialistes pointent du doigt l’échec structurel de l’État haïtien. « Viv Ansanm est le produit d’une accumulation de frustrations sociales et politiques. Ils remplissent un vide que les autorités ont abandonné depuis longtemps, » explique un étudiant en sciences politique.
Avec la présence de la Mission Multinationale de Sécurité (MMS), menée par le Kenya, une partie de la population espère un retour à la sécurité. Mais beaucoup restent sceptiques.
« Ils sont venus avec leurs armes, mais ça ne changera rien si la pauvreté et le chômage restent nos seules réalités, » estime Johanne Casimir, travailleuse sociale.
Pour les habitants, l’urgence dépasse les questions de sécurité. La jeunesse, en particulier, appelle à des solutions durables : éducation, emplois et un système judiciaire équitable.
« Nous avons besoin d’un futur, pas seulement de soldats, » conclut une adolescente de Cité Soleil, les yeux remplis d’un mélange de peur et de détermination.
Wandy CHARLES
Vant Bef Info (VBI)